Au fond d’une boîte rangée dans un placard, j’ai retrouvé un conte que j’avais écrit. Je dois l’inspiration de ce petit récit au célèbre « Joueur de flûte de Hamelin ». J’espère qu’il vous plaira …
Le luthier de
Soupir
L’Aisne est une région rurale et parsemée de bois et
d’étangs d’eau.
Jadis aux temps anciens elle fît la fierté de ses Rois et la
prospérité de ses sujets.
Des villes prestigieuses comme Soissons, Laon, La
Ferté-Milon ou encore Saint-Quentin pour ne citer qu’elles s’y formèrent et s’y
développèrent.
La lignée royale des Mérovingiens, avec Clovis comme premier
Roi des Francs fonda le berceau de la nation Française.
De grandes maisons grandirent à mesure que le Royaume
Catholique Français ne se développe et aujourd’hui encore, des localités
portent dans leurs particules les mentions de « Coucy » ou
encore de « Valois ».
Châteaux, abbayes et cathédrales s’épanouirent à la croisée
des chemins s’étendant du nord de l’Europe à l’Italie Septentrionale et à Rome
et du Saint-Empire Romain Germanique à l’Andalousie Mauresque.
Marchands, forains, ménestrels, paysans, religieux et
guerriers allaient et venaient d’un bout à l’autre du Royaume et il n’était pas
rare que des êtres malfaisants ne profitent de ces mouvements, pour commettre
leurs funestes projets.
Un enfant marchait le long d’un cours d’eau. Les pleurs d’un vieil homme solitaire
attisèrent sa curiosité, ce qui soit dit en passant, est une qualité à cet âge.
-Ancien, pourquoi marches-tu seul au milieu des bois ?
-Je viens pleurer mes amis disparus.
-Etaient-ils vieux ?
-Ils n’étaient pas plus âgés que toi mon fils …
L’enfant ouvrit grand ses yeux et s’assit sur un rocher.
-Il y a fort longtemps, un siècle peut-être, Soupir
s’étendait des deux côtés de la rive que tu vois-là, par-delà les sous-bois et
dominait une vallée remplie de vergers, avec des troupeaux de belles vaches.
Les villageois qui peuplaient ce bourg étaient si riches et
si gras qu’ils en avaient oublié les règles élémentaires de la courtoisie et de
l’hospitalité.
Jean-le-Bon était le Seigneur de cette contrée et sa bedaine
était aussi imposante qu’il en était hautain.
Du château depuis lequel il siégeait, il ne reste plus que
la pierre sur laquelle tu es assis…
Chaque samedi, la veille du Jour du Seigneur Notre-Père, un
marché s’établissait et les paysans échangeaient les surplus de leurs récoltes
contre des épices et des fourrures de pays lointains.
Un beau jour de Septembre, un maître luthier se présenta sur
la place et sortit un instrument de sa main faite. Gravures, vernis et essences
de bois ébahirent l’assemblée et quand l’artisan joua de son luth, la
résonnance du caisson et les sons qui en ressortaient, impressionnèrent le
Seigneur.
Les festivités locales approchaient et enchanté par la
beauté de l’ouvrage, Jean conclu un marché et lui commanda trente luths, pour
les trente jours du mois.
Maître luthier respecta ses engagements et travailla trente
jours et trente nuits, tandis que les autres s’enivraient tous les soirs durant.
Le temps pressait mais il continuait à s’époumoner et à s’épuiser, et vînt
enfin à bout de sa besogne au temps voulu.
-Nous t’avons nourri
et nous t’avons logé, prend donc ces cinq ducats et va-t’en en profiter, car tu
l’as bien mérité.
-Eminence, ces cinq ducats représentent le prix d’un seul
jour de travail.
-Puisque tu sembles bien buté, reprend donc tes instruments et
va les vendre à acheteur moins avisé.
-Mon âne porte déjà péniblement deux luths et mon sac de
voyage, comment voulez-vous que je puisse traverser les routes de notre bon Roi
sûrement et sans embuche.
Le Seigneur fît jeter le pauvre homme, qui chemin faisant
croisa la route des hommes à rouelle, bandits de grand chemin sans cœur et sans
honneur.
Ils le battirent, le secouèrent et perdirent patience
lorsqu’ils s’accordèrent à dire que le luthier n’avait que pour seules
richesses, son âne, son savoir et ses objets.
La nuit était froide alors ils firent un feu avec le bois
des luths.
Les ventres étaient vides alors ils mangèrent l’animal au
coin du feu.
Et quand ils eurent terminé le tonneau de vin, pour se
divertir, jetèrent à la rivière, pieds et poings liés, le pauvre bougre qui se
noya.
Un mois passa et pendant qu’enfants nous préparions la fête
du village, une mélodie rythmée et enivrante nous fît danser en gestes
saccadés.
Nous étions trente-et-un et quand au bord de l’eau nous
arrivâmes, le fantôme du luthier cessa de jouer et les trente enfants avec
lesquels j’étais marchèrent au milieu de l’eau et à jamais disparurent emportés
par les courants.
Le soir même à la place du marché, paysans et marchands,
bâtons de bois et fourches de pailles s’en retournèrent auprès du Seigneur.
-Qu’est-il advenu à notre descendance ? Demanda le plus
respecté des fermiers.
-Demandez-donc au jeune garçon !
-J’étais le trente-et-unième et le luthier a finalement
épongé votre dette, car trente luths pour trente enfants, voilà le prix à payer
pour votre sottise et votre mensonge. Qui ne tient pas sa promesse et contracte
des dettes sans jamais les payer, un jour ou l’autre expose ses propres
enfants.
Les paysans alors furieux brulèrent le château du noble et
s’en allèrent au bord de la rivière pour achever de rembourser la dette.
C’en était trop tard, les trente luths flottaient au bord de
l’eau, Jean-le-Bon jeté dans la rivière, rejoint un torrent et bientôt le Styx,
aux-côtés des innocents et du luthier.
Vois-tu enfant, la morale de toute cette histoire ?
-Que les dettes dues par les parents finissent toujours par
être payées par les enfants.
-Et que les enfants sont la seule richesse en ce monde, car après ce temps, tous vieillirent et moururent année après année, laissant un village sans descendance et sans avenir, qui alors s’éteint délicatement comme la lumière de la bougie.
Après la sortie le 26 Août 2019 du roman fantastique Yolande et disponible sur Amazon KDP Sélect, j’ai décidé de poursuivre l’aventure dans la sinistre ville de Mortcy.
J’avais une contrainte particulière pour Yolande, qui était l’autocensure pour un récité devant respecter certaines règles pouvant choquer les lecteurs. Pour un roman fantastique/horreur, il est assez facile de basculer dans le gore et l’obscène. J’ai donc dû me conformer au règlement et filtrer certains aspects quant à la réalisation de mes idées.
Après Yolande, vient la suite car comme un proverbe mortycien le dit si bien : « tous les chemins mènent à Mortcy ». Jonas dans le premier opus, est un jeune enfant malade de neuf ans, atteint de mucoviscidose.
J’ai voulu davantage tourner l’intrigue autour de ce garçon à présent dans l’âge de la puberté et qui vient enfin de trouver une famille adoptive, après quatre années à être ballotté de familles d’accueil, en familles d’accueil et d’orphelinats en foyers.
C’est un enfant qui a un passif et qui est sur le point d’affirmer sa personnalité. Autant dire, ce roman sera bien plus violent et cru que Yolande. J’envisage de mettre en scène des passages moins « édulcorés » et de mettre l’accent sur des scènes sanglantes.
Je vous tiendrai au courant de l’avancement de mon projet d’écriture de temps à autres.
En attendant, si vous ne l’avez toujours pas lu, Yolande est disponible sur Amazon KDP Select, alors si vous avez un abonnement, n’hésitez pas et faites un voyage mental dans les environs de Mortcy …
Comme certains d’entre
vous le savent déjà, j’ai récemment publié un roman de type fantastique et qui
s’intitule « Yolande », sous le pseudonyme de Sam Atticus.
Il est en lice pour le
concours des Plumes Francophones 2019 et je serai vraiment ravi de vous en
faire profiter en « avant-première ».
Le roman Yolande est en accessible sur Amazon KDP Sélect, téléchargeable sur KDP et également disponible en format broché.
N’hésitez pas à en
parler autour de vous, à partager et à me laisser un commentaire, si ce roman
vous a plus !
Vous pouvez également me suivre sur mon compte Instagram, en
tapant le hashtag : #samatticus1986
ou #Yolande2019
Je vous ferai prochainement un retour avec un article sur le concours des Plumes Francophones, je n’ai as eu l’occasion de m’y pencher davantage pour le moment 😉
J’ai décidé de vous partager une petite nouvelle fantastique (5000 mots) que j’ai écrite cet été. J’espère qu’elle vous plaira 🙂
Le Paon d’Or
Suicide
en Forêt de Retz du sexagénaire condamné pour le meurtre de son épouse.
Monsieur Van Halen avait violemment battu, lacéré et frappé à l’aide d’un objet
contondant la victime. Il venait d’être remis en liberté récemment, après avoir
purgé une peine de quinze ans de prison. L’homme a toujours clamé son innocence
en dépit des nombreuses charges contre lui.
Journal de Basse-Picardie, Soissons, le 07-09-2016
Voilà une quinzaine
d’années de cela, Bois-le-Roy, paisible commune du grand Soissonnais, fût le
théâtre de ce que l’on présenta dans la presse nationale comme un énième drame
conjugal dont l’époux nia jusqu’à encore récemment, c’est-à-dire à sa mort, sa
responsabilité. Les habitants des environs abondèrent en faveur de la version
du mari, ce qui leur valu d’être traités au mieux de faibles d’esprits, et au
pire, d’esprits étroits vivant encore en des temps archaïques rabaissant le
sexe féminin à un rang inférieur donnant droit de vie ou de mort au sexe
dominant.
Il nous a paru honnête de
retranscrire dans les présents écrits les faits, tels qu’ils se sont déroulés,
après une étude minutieuse des différents éléments nous ayant été fournis par
une abondante série de preuves, démontrant de façon formelle, l’innocence de
Serge Van Halen. L’affaire du « Paon d’Or », comme nous l’appelons
dans notre cabinet, relève selon nous davantage, une fois encore, de
l’absurdité et de la stupidité d’enquêteurs trop imbus de leur personne, que
d’un véritable travail de fond.
*
Maître Leroux, en sa
qualité de notaire dans les environs de Villers-Cotterêts, désigna Amélie
Blanchard légataire universelle de la succession du Docteur Bérénice Hagger.
La septuagénaire, amie de
longue date des époux Blanchard-Van Halen, que nous désignerons comme époux Van
Halen au cours du présent récit, vieille fille et dernière de sa lignée,
souhaita qu’Amélie prenne part aux destinées de son abondant patrimoine. Dr
Hagger était une naturaliste Germano-Suisse de grande renommée ayant longtemps
exercé son métier aux confins du Pacifique, et notamment dans l’Archipel
Indonésien, la Papouasie-Nouvelle-Guinée et les Iles de Salomon. Elle laissa à
la fin de sa carrière une extraordinaire compilation d’études sur la faune et
la flore locale, encore assez bien préservée des destructions humaines,
notamment dans les territoires les plus difficilement accessibles et
exploitables. Cette remarquable scientifique répertoria ainsi une quarantaine
d’arachnides inconnues, au moins autant de reptiles anciens, une vingtaine
d’espèces d’oiseaux et une cinquantaine de plantes endémiques. Elle mourut
accidentellement en chutant des hauteurs d’une falaise, localisé sur une
minuscule pointe de rocher, non répertoriée par les cartographes des Iles de
Salomon.
Les époux Van Halen,
férus de sciences et de voyages en territoires hostiles, firent la connaissance
du docteur voilà une trentaine d’années, de façon tout à fait improbable. Alors
qu’un cyclone s’abattit sur l’Ile de Java, ils évoquèrent leur région
d’origine, dans laquelle Madame Hagger possédait sa résidence en dure, une
vieille bâtisse héritée de ses grands-parents maternels. Epris du savoir et de
l’abnégation de la scientifique, ils avaient à plusieurs reprises financés de
manière conséquente les travaux de la désormais défunte dame. Elle les gratifia
en retour de ce don sensé couvrir au moins une bonne partie de l’argent qu’ils
avaient investi en elle.
Amélie se présenta donc
dans la résidence de la donatrice, s’étonna d’abord du peu d’entretien des
espaces verts, manifestement laissés à l’abandon depuis quelques années déjà et
gagnés par les ronces et même quelques jeunes pousses d’arbres répandus
anarchiquement. Elle pénétra dans le hall d’entrée du logement, une espèce de
longère en briques de terre rouge à toiture en tuiles noires, et n’y trouva
rien, si ce n’est un couloir menant à une porte desservant une pièce principale,
faisant à la fois office de salon, cuisine et même bureau de travail. Le bureau
qui remplissait l’immense majorité de l’espace, soit probablement les trois
quarts d’une bonne soixantaine de mètres carrés, attirèrent l’attention de
l’héritière.
Autour du bureau fait en
bois de manguier, un nombre considérable de cadres contenant des variétés de
plumes d’oiseaux exotiques qu’elle n’avait jamais vu auparavant. Larges plumes
vertes tachetées de cercles orange, des aigrettes violacées, des panaches
blancs et or, des papillons noirs, rouges, multicolores, et des cartes de
géographie anciennes des confins des terres australes. Une pile de livres
disposés depuis le sol et s’élevant à près d’un mètre-cinquante, un siège de bureau
dont le cuir usé par le temps, rendirent l’assise d’Amélie inconfortable
lorsqu’elle prit place dessus. Les plafonds des murs étaient couverts de
poussières et de toiles d’araignées, le laboratoire intime du Dr Hagger
évoquait un lieu unique regorgeant de trésors. Disposé au milieu du bureau, un
grand classeur contenant les derniers travaux retranscrits par la scientifique,
documentés de photographies, de ses textes manuscrits, de notes plus ou moins
succinctes…
Contre le mur une petite
boîte en bois, dans laquelle étaient rangés des petits sachets de graines de
plantes exotiques, avec leurs noms et une numérotation ramenant à un livret
rédigé par la naturaliste. Une clé cachée au fond de la petite boîte, intrigua
l’épouse Van Halen, qui bientôt l’utilisa pour ouvrir la porte d’une étagère
disposée à sa droite. La serrure claqua et lorsqu’elle poussa le battant de la
porte, posé sous une cloche en verre, dans une assiette en laiton ciselée aux
aspects de plumes de paon, un œuf blanc aux reflets dorés la fascina. Les
animaux inconnus empaillés rangés autour de l’intrigant objet ne provoquèrent
pas le moindre intérêt auprès d’Amélie, qui se saisit de l’objet, avant de
refermer la porte du meuble. Elle balaya brièvement du regard la pièce et
retourna dans sa voiture, s’empressant de présenter à son époux l’objet de sa
trouvaille.
*
-Il y a écrit sur une
petite étiquettes colée à l’arrière de la coupelle « Pavo Orus/
Phasianidés Royal », c’est-à-dire Paon d’Or. Dit Amélie, en présentant
l’objet à son époux.
-Un paon d’or ? Je
n’ai encore jamais entendu parler d’une espèce de ce genre, pourtant je m’y
connais en matière d’ornithologie.
-Penses-tu que nous
devrions le présenter à un laboratoire ? Peut-être que des spécialistes
pourraient nous éclairer davantage sur la nature de l’objet.
-A mon avis, ce serait
une belle erreur. Il doit s’agir d’un objet de décoration, une œuvre d’art ou
un truc du genre. Quand bien même ce serait un œuf d’une espèce rare, nous ne
serions pas plus avancés et ils se l’approprieraient.
L’époux s’empressa tout
de même de vérifier dans ses livres anciens qu’il conservait jalousement dans
sa bibliothèque, et, après quelques heures de recherches, redescendit les
escaliers le visage radieux et la mine victorieuse. Il présenta à son épouse un
vieil ouvrage poussiéreux, dont la couverture en cuir noirci par le temps,
indiquait « Almanach de Sir Marcus Wellington- traduit de l’Anglais en
Français par le Professeur François Gillet de Chamberlain ». L’ouvrage
publié lors du dernier quart du dix-neuvième siècles, avait été écrit par
l’explorateur et navigateur Sir Wellington dans les années 1860.
L’épouse Van Halen marqua
une expression circonspecte, devant l’étonnante crédulité de son mari, mais
feint malgré tout d’être à son tour étonnée par cette trouvaille. Serge posa
son pouce droit dans sa bouche et le lécha abondamment, avant de tourner
disgracieusement les pages jaunies du vieux livre. A la page
deux-cent-soixante-sept, il était formel, le marin britannique décrivait ce qui
se trouvait désormais sous leur toit : un œuf de Paon d’Or.
« Le
Paon d’Or, animal autrefois révéré et vénéré par les Pieds Rouges, tribudésormais disparue, était considéré sur
l’Ile de Jalomoss, comme un dieu à l’appétit insatiable, sujet à la colère et à
la cruauté. D’après les différentes variantes mythologiques des îles voisines,
les Pieds Rouges pratiquaient le rituel anthropophage et se nourrissaient de la
chaire de prisonniers issus des peuples vaincus. »
Amélie sembla encore
davantage perplexe après la lecture de l’article présenté par Serge, et fit
tourner son indexe près de sa tempe en levant les yeux au ciel. M. Van Halen
tenta de justifier sa trouvaille en lui rappelant que bien des ouvrages anciens
détenaient une étonnante littérature sur des phénomènes aujourd’hui oubliés, et
qu’il était dommage de ne pas donner plus de crédit à la thèse avancée par ce
célèbre explorateur dont on n’avait malheureusement jamais retrouvé la
dépouille.
Les Van Halen possédaient
ce qu’il convient d’appeler une belle propriété, de style anglo-normand, avec
les murs du rez-de-chaussée ainsi que les pignons constitués en pierre de
taille blanche. Les deuxième et le troisième étages, étaient quant à eux faits
de poutres de bois en colombage, soutenant une toiture à trois pans. A
l’arrière de cette demeure bourgeoise, une véranda aux allures d’orangerie,
maintenait une luxurieuse végétation composée notamment d’agrumes. Le manoir
était entouré de vastes espaces de verdures de plus d’un hectare, avec tout au
fond, une volière à colombes et tourterelles, un petit pigeonnier et une
basse-cour. Entre cet espace dédié à la passion de Serge et l’orangerie
d’Amélie, une belle fontaine rococo dont des jets d’eau accompagnant les chants
des oiseaux, rendaient l’endroit paisible et somptueux.
Ils s’accordèrent sur
l’emplacement à réserver à l’étrange objet et le placèrent, disposé près de la
fenêtre la plus au sud, sur une table basse. Les reflets du soleil réfléchirent
de telle sorte que la coquille de l’œuf sembla étinceler. Amélie et Serge
restèrent une bonne demi-heure à observer inlassablement le précieux trésor
légué par le Dr Hagger, s’interrogeant sur sa provenance et son origine. Il
sembla à Serge entendre un bruit sourd et étouffé issu des entrailles de l’œuf,
ce à quoi répliqua Amélie qu’il avait passé l’âge de ces enfantillages. La nuit
tomba, une fois encore l’époux Van Halen pensa ou du moins cru entendre des
piaillements d’oiseaux en provenance de la véranda. Il descendit délicatement
les marches des escaliers, afin de ne pas réveiller son épouse et s’approcha de
l’œuf, intacte et incontestablement sublime. Les miroitements des faisceaux
lumineux de la lune sur la coque, illuminaient la vitre devant laquelle le
précieux objet était disposé. Il s’assit sur un fauteuil situé à proximité et
resta là, à le contempler béatement. Ce fût son épouse qui le réveilla au petit
matin, et qui commença à s’inquiéter sur l’état de santé de son mari. Elle
déclara à Madame Galantine, quelques mois avant sa disparition, qu’elle
soupçonna un comportement étrange chez Serge. Madame Galantine, avec Amélie et
quelques autres de leurs amies, animaient à l’époque une association dédiée à
la préservation de variétés de plantes potagères et horticoles anciennes. Leur
passion ne s’arrêtait pas à la verdure, elles étaient également des
colporteuses de ragots invétérées et adoraient médire des autres.
La fille cadette des Van
Halen célébra son mariage au cours du mois de Juillet, ce fût l’occasion pour
eux de se rendre de l’autre côté de la frontière, dans un village situé entre
Chimay et Couvin, en Belgique Wallonne. Les rumeurs prétendirent que Serge
passa plus de temps à montrer aux convives des photos prises sur son
smartphone, dudit « Œuf de Paon d’Or », plutôt que de vanter la
splendeur de sa progéniture. Cela provoqua de vives tensions au sein du couple,
qui au lieu de s’émerveiller lors de l’échange des alliances, sous l’arche de
fleurs, regarda chacun dans une direction opposée. Certains pensèrent assister
au délitement du mariage des Van Halen père et mère, tandis que leur fille
Célestine prenait la tangente en sens inverse, toutefois, lorsqu’ils rentrèrent
le lendemain chez eux, ils avaient fini par se réconcilier et l’incident fût
clos.
*
Les dires de l’entourage
furent formels et cela contribua à la descente aux enfers de Serge Van Halen.
On l’accusa à tord d’avoir occis son épouse, de la plus effroyable des façons,
car il est facile de jeter aux loups le plus innocent des agneaux. Sur de
simples jugements, sur un regard froncé, sur une bouche renfrognée, sur un
apparent désaccord, certains ont la sentence facile. Cet homme fût condamné sur
des « on-dit ». L’innocent a été bafoué dans ses droits et dans son
honneur. On alla même jusqu’à calomnier le veuf qu’on accusa d’avoir voulu
s’approprier le conséquent patrimoine du ménage.
*
A leur retour à
Bois-le-Roy, le portail en bois massif de la propriété était bien fermé, on
pouvait difficilement pénétrer par-dessus les épais murs en pierre entourant la
résidence, et pourtant, Amélie aperçu au loin que les vases de ses plantes
situés dans la véranda, étaient brisés à même le sol et que quelqu’un s’était
livré au saccage de son espace. Serge s’empara d’une bêche à jardiner et
accouru à l’arrière de la propriété qui ne présenta aucun signe d’effraction.
Il fît le tour du manoir, entra dans la demeure avec prudence et quelques
minutes après revînt trouver son épouse.
-Personne n’est venu,
tout est en ordre mis à part ton jardin d’intérieur. J’ai retrouvé quelques
petites touffes de poiles de Félix le chat. L’œuf en revanche …
-L’œuf ?
-J’ai retrouvé la cloche
de verre brisée contre le sol. L’œuf est cassé en deux.
-Tu veux dire que le chat
à tout détruit ?
-J’imagine. Je ne vois
pas d’autres explications. Il aura sans doute tenté d’attraper une souris et
provoqué toute cette pagaille.
L’œuf était vide, creux,
les taches dorées, les reflets et l’aura qui l’entourait s’étaient volatilisés.
Serge sembla moins enclin à un comportement étrange et cela rassura de prime
abord Amélie. Ils cherchèrent en vain Félix qui incontestablement avait compris
qu’il avait commis une faute lourde. Le soir, le couple alla se coucher et
lorsque Serge s’endormit, un cri strident retenti du grenier, provoquant en lui
un accès de terreur nocturne. « Leon !» Il se mit à trembler et à
claquer des dents et ses tressaillements firent sortir du sommeil son épouse.
Elle le rassura et lui assura qu’elle n’avait pour sa part rien entendu
d’étrange. Elle avait l’ouïe fine et le moindre bruit suffisait en général à
venir à bout de ses plus lourdes rêveries. Lorsqu’elle se rendormit, il resta
les mains accrochées à ses draps, posés jusqu’à son nez. Les billes noires de
ses yeux tournèrent à droite, aux abords de la fenêtre, puis au moindre
craquement de tuile, au moindre grincement de bois du plancher ou de la
toiture, ou d’un quelconque élément de cette vieille bâtisse, roulaient à
gauche, près de la porte légèrement entrouverte dont l’épouvantable vide rendait
l’obscurité pesante. Il lui sembla entendre un frottement au-dessus du plafond.
Ses poiles se hérissèrent le long de tout son corps et ses muscles se
crispèrent au point de frôler la crise de tétanie.
A mesure que la nuit
passait, et que les hululements de chouettes aux abords de la propriété, les
craquements des branches et les crissements de feuilles, les claquements des
battants des volets au fenêtres accompagnaient la solitude de l’homme, il
s’assoupit enfin, mais sentit son rythme cardiaque s’emballer et un poids lourd
peser sur sa cage thoracique.
*
« Cette
nuit-là, j’ai ressenti pour la première fois depuis bien des années, une
effroyable peur se saisir de moi. Je me suis revu comme à l’époque de mes
terreurs nocturnes, cela remonte aux premières années de ma vie, à l’enfance,
lorsque parfois il m’arrivait de parler à voix haute durant les phases de
sommeil paradoxale. Je garde un très mauvais souvenir de cette période, dans la
mesure où il m’arrivait presque systématiquement de faire des cauchemars. »
Témoignage
de Serge Van Halen.
*
Le matin suivant, après
un sommeil particulièrement agité, Serge préféra garder pour lui l’affreuse
nuit qu’il venait d’affronter. Le moindre bruit suspect sembla l’inquiéter et
il se mît à tressaillir pour un rien. La disparition de Félix, qui ne s’était
désormais plus manifesté depuis plusieurs jours commença maintenant à susciter
l’interrogation des époux. Devant la persistance de son mari, Amélie décida de
vérifier dans le grenier l’éventuelle présence de l’animal. Rien n’indiquait
que le félin ne puisse atteindre cet espace, cependant l’époux prétendait
entendre régulièrement des bruits de griffures contre le plancher.
Elle tira sur l’espèce de
bobinette qui fît basculer un escalier replié contre une trappe, et monta
doucement dans l’étage. Serge de nature anxieuse et sujet au vertige, préféra
troquer sa casquette de mâle dominant, pour celui d’homme apeuré. Elle cessa
d’avancer, une fois arrivée au niveau des deux dernières marches et marqua un
sentiment d’admiration mêlé à celui de l’étonnement. « Viens voir, c’est
absolument incroyable ! »
Elle s’empressa cette
fois-ci de s’engouffrer dans la pénombre et il lui emboîta malgré tout le pas.
Ils se regardèrent et restèrent pantois, leurs yeux s’illuminèrent, leur bouche
légèrement ouverte, c’était la première fois qu’il leur était donné d’assister
à pareil vision. Posé au-dessus d’un vieux pupitre d’écolier, celui qui avait
appartenu au père de Serge, un paon regarda les deux êtres humains d’un regard
à la fois étrange et docile. Amélie s’approcha délicatement de l’oiseau et
caressa son aigrette dorée. Serge posa un genou sur le sol, afin de garder une
hauteur inférieure à l’animal et de ne pas l’effrayer. Le paon, dont le plumage
à l’abdomen bleu subjuguait le couple, gratta délicatement la planche de bois
sous ses pattes, leva le bec et cria « Leon ! ». Il étala alors
les plumes de sa queue et un éventail en or éclaira la pièce. Mille ocelles
semblèrent scintiller au travers des rayons chatoyants lancés par l’oiseau.
L’animal reprit une posture normale, sauta du pupitre et se jeta au travers de
la brèche.
*
« Ce
volatile, enfin, je veux dire la découverte de ce Paon d’Or, a été pour moi une
délivrance. Je n’étais pas fou, je savais bien que quelque chose était caché
là-haut. J’étais rassuré de savoir qu’il s’agissait d’un animal. Je suis de
nature superstitieuse, même si je ne prétends pas croire aux fantômes, aux
monstres … C’est une réminiscence du passé, je crois que nous avons tous
quelque chose enfoui au fond de nous-même, ces vieux démons comme on dit, qui
nous dévorent de l’intérieur, qui nous terrifient. On a beau les mettre en
sommeil, ils dorment, attendent sagement le moment propice et reviennent vous
hanter lorsque vous êtes au bord du précipice. »
Témoignage
de Serge Van Halen.
*
Le volatile fût adopté
comme on le fait avec un animal de compagnie, nourrit, soigné et hébergé
d’abord dans la véranda, au milieu des plantes. Chétif, le paon prit une
ampleur impressionnante qui obligea les époux à créer un espace à proximité des
autres oiseaux du jardin. Lorsqu’il déployait sa roue dorée, son envergure
dépassait dorénavant les deux mètres de haut et de large. Sa rareté et son
exceptionnel plumage étaient la source de la plus grande vigilance de la part
d’Amélie et de son époux. Ils prirent le parti de ne rien dire à leur
entourage, de crainte qu’on leur enlevât le précieux animal d’ornement.
Plus les jours passèrent,
plus la quantité de nourriture ingurgitée voracement par l’animal augmentait.
Les disparitions progressives des tourterelles et du coq de la basse-cour
inquiétèrent les Van Halen, qui cachèrent ça et là des pièges à renard dans
leur propriété. Serge se résolût à construire dans l’une des vieilles écuries
abandonnées du parc un promontoire sur lequel s’établit le paon. Le soir, à la
tombée de la nuit, il fermait la porte de la nouvelle demeure de l’animal, qui
grattait vigoureusement les planches de bois sur lesquels son perchoir était
accroché. Les sacs de graines apportés quotidiennement finirent par être
apportés au moyen d’une brouette et cela ne suffît plus à contenter la bête.
-J’ai l’impression que
cet animal n’en finira jamais de se goinfrer, dit un matin Serge à son épouse.
-C’est une bénédiction
que nous puissions posséder un pareil animal. Je n’avais encore jamais vu ou
entendu parler d’une créature aussi fabuleuse.
-J’ai l’impression qu’il
te préfère.
-Je suis la première
personne humaine qu’il ait vue, je pense qu’il me prend pour sa mère.
-C’est bien connu, les oiseaux
ont cette particularité de s’attacher à un seul être…
Le jour, le paon
déambulait majestueusement au travers de la propriété, criant des
« Leon », lorsqu’il faisait la roue et paradant fièrement sur les
pelouses verdoyantes de ses terres. La disparition de Félix fût comblée par la
joie et l’émerveillement qu’apportait l’animal. Lorsqu’ils avaient le bonheur
d’assister au déploiement de ses mille ocelles lumineux, qu’au travers du bleu
sombre du plumage de sa queue il faisait vibrer vigoureusement, Amélie et Serge
semblaient comme hypnotisés et entrer dans un état de transe. Ils pouvaient
rester là à l’observer une heure sans marquer la moindre lassitude, plongés
dans l’admiration et suspendus aux moindres faits et gestes de sa majesté le
Paon.
Rien ne sembla de trop
pour l’oiseau, dont la taille finit par atteindre celle d’un énorme cygne. Un
matin, Serge surprit l’animal en train de dévorer à grands coups de bec et
d’ongles un lapin de garenne qui déambulait dans le jardin. Quand il eût
terminé sa pitance, il tourna de méchants yeux rouges affamés en sa direction,
et cria. Il déploya les plumes de sa queue et Serge resta prostré les bras
ballants, observant les scintillements étoilés de la robe bleue du paon. De sa
fenêtre Amélie appela son époux qui sortit de sa torpeur, alors que l’animal
reprit une posture ordinaire et sembla marquer un geste de salutation de la
tête et des ailes en direction de sa maîtresse.
-Je crois qu’il a besoin
de protéines animales. Dit Serge à son épouse.
-C’est un volatile, il
peut gratter le sol, dévorer les insectes, vers et petits campagnols. Je ne
crois pas que ce ne soit une bonne idée que de pourvoir à tous ces besoins.
-Je l’ai vu s’attaquer à
un lapin ce matin, il tenait dans ses serres sa proie et déchiquetait ses
morceaux de chair…
-C’est un animal, il a
son instinct de survie.
-N’as-tu jamais imaginer
qu’il pouvait un jour représenter un danger pour nous ?
-Un rien te fait peur,
Serge. Ce n’est pas un aigle non plus. Et il n’y a pas d’enfant dans la
propriété.
-Il prend de plus en plus
de place. On devrait peut-être le montrer à un spécialiste.
Les époux laissèrent la
question en suspens, le soir lorsque Serge s’en allait fermer la porte de
l’écurie, il prenait désormais soin de ne jamais tourner le dos à la bête et à
regarder vers une autre direction lorsque Paon déroulait sa roue hypnotique.
L’animal prenait alors une posture fragile et feint de craindre son maître en
s’inclinant devant lui. La nuit, de la fenêtre de sa chambre, l’époux entendait
les griffes de l’animal gratter contre les planches et cogner les pierres des
murs du bâtiment avec son bec. En proie à de nouveaux cauchemars, il
s’éveillait parfois en plein milieu des ténèbres et apercevait au travers des
ouvertures de l’écurie, protégées par des barreaux de fer, les reflets lumineux
de l’oiseau. Il eut souvent l’impression que Paon l’appelait, d’un cri de
détresse que Serge interprétât comme un besoin de compagnie.
*
« Le
Paon d’Or, animal associé à la mythologie des Pieds Rouges, aurait probablement
existé, toutefois, on l’assimile davantage au paon de l’île de Java, animal
relativement courant dans les régions tropicales chaudes et humides. Un autre
éminant naturaliste britannique, répondant au nom de Sir Lewis Wallace, décrit
la créature dans ses travaux d’observations de la faune et de la flore locale.
Il la présente comme un volatile rusé et pouvant parfois s’attaquer à des êtres
humains en posture défavorable. Sir Wallace aurait prétendu qu’un de ses jeunes
moussaillons fût dévoré par un l’un de ces phasianidés, cependant, d’autres
sources indiquèrent que ladite victime, fût le fils d’un de ses anciens rivaux
amoureux et qu’on fît pendre le navigateur pour meurtre barbare. »
Carnets
de voyages de Sir Wellington, 1867.
*
Serge raconta l’histoire
qu’il avait découvert au détour de la lecture d’un de ses anciens ouvrages
désuets, appartenant à sa pléthorique collection de livres. La réaction de son
épouse ne se fît pas attendre et elle lui suggéra de consulter un médecin afin
d’évoquer ses fréquentes angoisses qui prenaient manifestement une ampleur
inquiétante. L’été toucha à sa fin et un matin, l’animal disparût en ne
laissant que quelques plumes dorées sous son perchoir. Amélie pensa que son
époux avait prit la décision de se séparer de l’animal, elle parût exténuée par
l’attitude de l’homme qui feint l’étonnement et qu’elle interprétât comme une
forme de déni.
On rapportât durant cette
période, une augmentation de disparitions inquiétantes de chats et de petits
chiens. Parfois, on retrouvait au méandre d’un bois, d’un fossé ou de terrains
abandonnés, des fragments d’os, des corps d’animaux, principalement des
mammifères, mais aussi parfois d’autres volatiles, déchiquetés à coups de
serres et éventrés ou éviscérés. Bois-le-Roy fût alors frappé par ce qu’il
convient d’appeler une psychose collective, que l’ont mit sur le compte d’un
tueur en série d’animaux. Les gendarmes finirent par ouvrir une enquête devant
l’accumulation de dizaines puis de quelques centaines de plaintes, dans les
environs du Soissonnais. Les maîtres ne laissèrent plus sortir sans
surveillance leurs félins, on ne détachait plus la laisse des chiens et on
restait aux aguets, prêt à surprendre les gestes suspects de passants. Un
enfant prétendit avoir été attaqué par un oiseau bleu et or, on considéra que
le choc émotionnel subit par l’enfant et son imagination débordante
constituaient une explication probante des traces de griffes retrouvées sur ses
bras. La description « fantastique » de l’animal aux milles yeux et
aux pupilles rouge sang, firent légèrement sourire les naturalistes de la
région et l’on classa sans suite cet évènement.
Les semaines passèrent,
la nuit parfois Serge se voyait réveiller par ses terreurs nocturnes et le
bruit de coups de becs, contre les tuiles de la toiture de la demeure
anglo-normande. Il se trouva particulièrement affecté par l’affaire de l’enfant
que l’on n’avait pas cru et commença à ressentir un sentiment de culpabilité à
son égard. Amélie lui suggéra de garder secret leur trouvaille, de crainte
qu’on rejette sur eux, une éventuelle responsabilité. Il faut dire, à la charge
de Madame Van Halen, que les soupçons se multiplièrent de toute part du sud de
l’axonais, et jusqu’aux Ardennes belges, qu’une avalanche de dénonciations
calomnieuses à l’encontre de voisins que certains « corbeaux »
balançaient en pâturage, créèrent un climat de suspicion généralisé.
Les récents évènements
avaient parfois conduit à quelques règlements de compte savamment portés, au
prétexte de la vengeance d’un animal soi-disant tué par telle ou telle
personne, se traduisant par une hausse de vandalisme, et parfois d’agressions
sur fond d’alcool ou de problèmes psychiatriques. La psychose enflât encore et
l’on assista cette fois-ci à un lynchage collectif perpétré à l’encontre d’un
étranger, un roumain de la communauté Rom, qu’on accusât de sorcellerie et de
sacrifices d’animaux, dans une commune rurale isolée. La victime échappa de peu
à la mort et la tension atteint son paroxysme à ce moment.
Au cours d’un de ces
derniers après-midis ensoleillés du début de l’automne, Amélie vît réapparaître
Paon, qu’elle accueillit dans son écurie. L’animal se montra docile et déploya
sa rouelle somptueuse encore plus dorée qu’auparavant. L’envergure de sa roue
s’était encore amplifiée et le bleu profond du plumage encore davantage
prégnant. Alors que les affaires d’animaux disparus parurent s’atténuer, les
époux Van Halen offrirent des pièces de boucherie au paon, ce dernier sembla
d’abord s’en contenter mais s’en dégouta vite et commença à tourner à proximité
de la basse-cour de la propriété, dès que l’occasion s’en présentait.
Serge décida ce jour-là
de mettre un peu d’ordre dans l’écurie et de la nettoyer. Le paon reprit sa
parade hypnotique et il fît vibrer ses ocelles, tandis qu’un bruit de
métallique parcourut son plumage. Il fut pris de convulsion et sa tête commença
à lui tourner, au point qu’il perdit l’équilibre et se rattrapa à la poignée de
la porte d’entrée de justesse, évitant la chute. Des papillons noirs
tournoyèrent au-dessus de ses yeux et un cri perçant retentit à hauteur du
perchoir. Les serres en avant, le bec près à s’abattre contre le crâne de son
imposante proie, Paon saisit l’avant-bras droit de son maître en hurlant encore
et encore. Des gouttes de sang giclèrent dans les yeux de Serge, qui à son tour
s’époumona de toute son énergie, appelant à l’aide son épouse. Lorsqu’elle
apparut enfin, elle assista terrorisée à l’attaque de son époux de la part du
volatile, qui ne cessa d’assener de violents coups de griffes et de becs sur le
bras de l’homme. Il réussit enfin à se protéger en se jetant en dessous d’une
table rangée dans le petit bâtiment.
Paon cessa d’abattre
toute sa rage sur l’homme et reprit une posture calme et disciplinée devant sa
maîtresse. Il se baissa et donna l’impression de faire une révérence à Amélie.
Serge lui balança alors une grosse pierre à l’arrière de la tête de la bête,
qui hurla à nouveau. Ses yeux se remplirent de pourpre, un pourpre encore plus
angoissant que précédemment et quand Amélie le frappa avec l’aide d’un manche
de râteau, il piqua sur la pauvre femme qui chuta contre le sol et vît crouler
contre tout son corps une avalanche de coups. Serge saisit l’animal par le cou
et essaya de le lui tordre. La force du paon d’or l’empêcha de mener à terme sa
tentative et l’animal replongea sur Madame Van Halen, qui cette fois-ci périt
lorsque le bec heurta sa tempe. Les derniers coups de griffes dans la poitrine,
les bras et le visage ne provoquèrent plus que quelques soubresauts nerveux de
la victime. Serge accourut dans sa demeure avant d’en ressortir équiper d’une
carabine. Le paon avait tenté de le suivre et au premier coup de feu s’échappa
effrayé par le bruit. L’homme ajusta sa cible et au deuxième coup, atteint la
créature qui s’effondra dans la cime des arbres. Une volée de plumes bleue
flotta dans le vide, tandis qu’il tenta sans succès de réanimer son épouse.
Les secours embarquèrent finalement
la dépouille de la victime, tandis que les gendarmes interpellèrent l’homme,
condamné pour meurtre après quelques années de procès.
*
On raconte dans la région que l’homme mît un terme à ses jours lorsqu’au cours d’une de ses battues en forêt de Retz, il découvrit sous des roches un œuf blanc tacheté de points dorés. Quelques collectionneurs avertis entreprirent à leur tour d’effectuer des recherches, mirent la main sur une petite dizaine d’œufs dans la région qu’ils conservèrent à l’abri de la lumière, dans des espaces peu exposés à la lumière et à l’abri de regards indiscrets.
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Pour l’écriture du roman fantastique Yolande, dont une partie de l’histoire se déroule dans la maison de la solitaire octogénaire dont le nom du livre est tiré, il fallait créer un cadre propice au déroulement de certains événements. J’ai la chance d’habiter une région dans laquelle de nombreuses vieilles bâtisses sont encore debout, dont certaines sont dans un état de délabrement avancé. La Picardie, est une région du nord de la France, qui a été à deux reprises ravagée par les deux Guerres mondiales. Dans certaines localités, se fût près de la totalité des bâtiments qui furent rasés par les tirs d’artilleries et les bombardements. Aussi, ce côté historique (mais aussi triste), m’a donné une certaine inspiration pour écrire Yolande.
La création de ce roman avait pour moi deux objectifs :
1-Reprendre l’écriture après une période « d’abstinence » (la fameuse angoisse de la page blanche n’y ait pas pour rien).
2-M’essayer à un genre que j’aime beaucoup : le fantastique.
L’univers torturé de Yolande s’inscrit dans la ville fictive et fantastique de « Mortcy », qui est localisée près du Chemin des Dames, de la ville de Laon (où débute d’ailleurs l’intrigue), de Soissons et de Saint-Quentin, dans l’Aisne. Dans cette région rurale et relativement isolée, la présence de nombreuses édifices religieuses, médiévales et aussi de « maisons de maître » en pierre de taille, laissent le promeneur solitaire songeur.
L’idée de l’écriture de Yolande m’est « naturellement » venue de ce manoir abandonné derrière son enceinte de pierres, d’herbes sauvages et ses ferronneries rouillées. Cette maison aux allures de lieu hanté, a fait germer dans mon esprit cette histoire.
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Dans un registre différent du premier roman que j’avais publié l’an passé, j’ai voulu m’essayer à un genre moins terre à terre : le fantastique.
Le roman Yolande prend racine dans la ville imaginaire de Mortcy, près de Laon et de Soissons et non loin du tristement célèbre Chemin des Dames. Cette région rurale du Nord de la France, ravagée par les deux Guerres Mondiales et par l’occupation allemande, est un lieu propice au mystère.
Quand la folie se mêle au paranormal et que l’ingratitude provoque la colère et le désir de vengeance, tous les ingrédients sont réunis pour créer une atmosphère sombre et terrifiante.
Bonne lecture à toutes et à tous !
Ce livre est accessible via KDP Select, n’hésitez donc pas à le consulter !
Yolande – quatre-vingt-huit ans – est sur le point
d’être placée de force en maison de retraite par Samantha, son unique
héritière.
Plongée dans la solitude et ses souvenirs, elle
prétend vivre avec Aimée, sa sœur jumelle décédée au lendemain de la Première
Guerre mondiale.
Alors que Samantha, Morgan et leur fils Jonas
emménagent dans la demeure de la vieille dame, le malheur semble s’abattre sur
la petite ville provinciale de Mortcy.
Et si Yolande, cette octogénaire aux prétendus dons paranormaux, était à l’origine des évènements frappant les environs ?
Sur les thèmes du grand âge, du paranormal et de
l’angoisse que procure en nous la peur de la mort, j’ai pris beaucoup de
plaisir à écrire ce récit sombre.
Après la publication en 2018 de mon premier roman
« Le Collègue », thriller psychologique dont la trame de fond était
axée sur les méfaits de pervers narcissiques en milieu professionnel, je
souhaitais aborder un autre genre que j’affectionne particulièrement : le
fantastique.
« Nous Rêvions juste de Liberté » de Henri Loevenbruck.
Comme le titre l’indique, il est question ici dans ce roman de route, d’un thème fondamental de notre existence : la Liberté. L’amitié, l’amour, mais aussi la trahison sont des sujets abordés à travers le livre. L’intrigue débute rapidement, avec l’histoire d’un jeune adolescent de seize ans : Hugo, faisant la rencontre de trois autres jeunes à peine plus âgés que lui : Freddy, Oscar et Alex.
Divisée en trois carnets représentant trois étapes de la vie du narrateur, on plonge progressivement dans la vie de Hugo, basculant progressivement dans la délinquance, à mesure qu’il conquiert sa liberté. J’ai beaucoup apprécié la façon dont l’auteur à mis en place la trame de son récit, le déroulement de l’intrigue est vraiment intéressant et surprenant. A travers le parcours fascinant du personnage principal, on plonge dans le milieu des MC : Motorcycle Club, les clubs de motards et du folklore tournant autour.
Une histoire pleine de rebondissements avec un dénouement à la hauteur du roman de Loevenbruck que je recommande à toutes et à tous.
Série Américaine fêtant cette année ses dix ans, Breaking Bad, créée par Vince Gilligan, est une des plus abouties et des plus intéressantes, tant par la mise en scène de chacun de ses épisodes, que par la multitude de ses personnages hauts en couleurs. Pour ce second épisode, j’ai pris le parti de ne pas m’attaquer aux personnages principaux que représentent Walter White et Jesse Pinkman. Nous ne manquerons pas de les étudier au cours d’un prochain article d’ici quelques semaines.
Nous débuterons tout d’abord par Salamanco Tuco, puis ensuite nous nous pencherons sur Gustavo Frings. Deux protagonistes apparaissant à des niveaux de l’intrigue éloignés, deux personnalités fortes et pourtant diamétralement opposées. C’est tout l’intérêt de cet article.
Commençons par le mexicain au sang chaud, pour ne pas dire bouillonnant et excessivement surexcité : Tuco. Un nom pareil évoque déjà en soi une certaine force, un soupçon de western et de violence. Tuco est un trafiquant de drogue chevronné, pas spécialement cultivé, si on s’en réfère à son langage très fleuri et à sa vulgarité. En dépit de son niveau d’éducation très limité, il s’avère être un homme particulièrement avisé en affaires et malin, pour ne pas dire roublard. Très nerveux et toujours prêt à sauter à la gorge de son prochain, le narco-trafiquant s’avère être un psychopathe sans limite, aux réactions imprévisibles et dangereuses. Il est capable de tuer sous le coup de la colère et ne ressent absolument aucune empathie pour autrui. C’est un individu détestable, et pourtant on réussit à s’y attacher. Il apporte beaucoup de vitalité et de force à l’intrigue, même si Tuco quitte rapidement la série. Ses accès de colère et son sarcasme en font un ennemi terriblement impitoyable et drôle. Il prétend avoir des dons divinatoires et voir l’avenir. C’est aussi un accroc à la drogue qui aime dominer ses semblables.
Comme nous pouvons le constater, ce qui rend ce personnage bon, c’est cette succession de caractéristiques parfois étonnantes et qui donnent du piment aux épisodes dans lequel il apparaît. Véritable bête noir du duo d’associés maladroits que sont Walter White, dit « Heisenberg » et Jesse Pikman, son imprévisibilité le rend difficile à cerner et insaisissable. C’est un personnage qui termine mal, tué rapidement par le chef de police Hank Schrader au cours d’une fusillade. Même mort, l’ombre de Tuco Salamanca refait rapidement surface, par l’apparition de membres du cartel venus rendre leur justice.
Nous n’entrerons pas davantage dans l’histoire, afin de ne pas trop « spoiler » le récit. On peut considérer que ce personnage n’évolue pas vraiment au cours de ses apparitions. Il est déjà bien atteint par ses crises de paranoïa et il est sur les dents dès son entrée en scène. Il se contente simplement de manifester un certain respect pour « el Señor Heiseinberg », cuistot réputé pour sa méthamphétamine presque pure, en guise de changement de comportement. Il arrive donc parfois qu’un personnage important ne reste toujours ce qu’il est, malgré les épreuves s’opposant à lui.
Autre ennemi juré du duo de « Pieds Nickelés » de Breaking Bad, l’effroyable Gustavo Frings. Le nom évoque quelque chose de froid, de rigoureux. Gustavo est un homme d’affaires aux multiples activités, qui est par la suite présenté comme un mystérieux Chilien ayant fui son pays d’origine, sans doute au cours de la dictature. C’est un homme métisse, qui dégage une certaine élégance, tant par son savoir-vivre que par sa sollicitude. Il porte des lunettes rondes et souvent un costume, notamment lorsqu’il travaille dans l’un des restaurants de sa chaîne de fast-food : « Los Pollos Hermanos », les « Frères Poulets ». Son activité officielle lui sert de couverture pour protéger ses affaires de narco-trafiquant bien plus lucratives, mais illégales. C’est un homme qui aime pouvoir tout contrôler et qui agit avec méthode et stratégie. Il aime planifier ses activités jusque dans les moindres détails et ne supporte pas l’imprévu et la prise de risque inutile. C’est un de mes personnages préférés, car il incarne le mal par excellence et parce qu’on apprend au fil de l’histoire qui est vraiment Gustavo Frings. Il apparaît d’abord comme un homme faible et parfois même craintif, il s’avère être le plus froid et le plus machiavélique des personnages de la série.
Ce protagoniste fin aux multiples facettes, très intelligent et en bien des points semblable à Walter White, est un adversaire de taille. Se livrant à une véritable partie d’échec où tous les coups sont permis, y compris les plus bas et le plus vils, l’évolution de Gustavo s’avère être « négative ». A son apparition, il semble être en mesure de tout contrôler, d’être maître de lui-même et de la situation, vers la fin il ressort moins fort et plein de doutes. Sans aucun doute, le « chimiste » a-t-il compris les points faible de Gustavo Frings.
Je synthétiserai le devenir de Gustavo de la sorte :
Plein d’assurance, gère ses affaires, se développe (début) + Épreuves (Guerres de territoire, guerre intestine, enquêtes policières) = Piégé, incapable de se dépêtrer, effondrement (fin).
Je terminerai cet article simplement, en disant que Breaking Bad a été et est d’ailleurs toujours, l’une de mes sources les plus inspirantes pour la création de mes personnages. La recherche de l’intrigue « organique », pour reprendre le terme de John Truby, notamment dans L’anatomie du scénario , se ressent en bien des points. Rien n’est laissé au hasard, cela va jusque dans les moindre détails. Rares sont les séries à être capable de mettre en scène des personnages aussi mauvais (je parle moralement), et de les rendre empathiques aux yeux du spectateur, avec des personnalités et des attitudes si différentes. Pour les fans de films de gangsters, mais aussi celles et ceux qui aiment l’aspect psychologique d’une intrigue, Breaking Bad est une série qui mérite d’être vue.